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le maître de la lumière

frégate d’au moins cinquante canons et six cents hommes, qui, toutes voiles dehors, courait sus à la Finette.

La chasse, pensait-il, ne se prolongerait pas. La frégate serait soucieuse de rallier son convoi. Cependant, bien après le coucher du soleil, la nuit étant claire, on pouvait voir, à deux portées de canon, l’ennemi labourer la mer et insensiblement, gagner de distance.

César comprit qu’il ne devrait son salut qu’à son adresse. Combattre, c’était courir à sa perte. Ruser semblait impossible. Et, dans ces parages lointains, il ne fallait compter sur aucun secours français.

Il mit donc le cap au vent le plus favorable à sa retraite, et, de la sorte, s’enfuit vers le sud, ayant l’anglais dans son sillage.

Celui-ci, marcheur remarquable, paraissait bien résolu à pousser la chasse jusqu’à l’abordage. Avait-il reconnu la Finette ? César le pensait, en constatant son obstination et la décision qu’il avait prise d’abandonner le convoi. Certes, au coup de semonce de la frégate, la Finette s’était bien gardée de montrer ses couleurs à la corne d’artimon et, moins encore, de hisser en tête du grand mût le guidon de César Christiani : un Christ d’or sur fond rouge ; mais les lignes et l’allure du corsaire n’étaient ignorées d’aucun officier de la marine britannique et l’on pouvait gager que le commandant de ce maudit bateau se réjouissait déjà d’envoyer César Christiani et son équipage sur les pontons d’Angleterre.

Augmenter la vitesse de la Finette, distancer l’Anglais, le perdre de vue, il n’y avait pas d’autre issue. César, qui connaissait son navire de l’étrave à l’étambot et de la quille à la pomme des mâts, commanda d’arroser les voiles afin de leur donner plus de prise au vent. Les gabiers mirent les bonnettes et les cacatois, ce qui fit que le bâtiment se trouva couvert de toute sa toile. Cette manœuvre tout indiquée ne suffisant pas, César fit lancer par-dessus bord quatre des caronades qui surchargeaient les hauts de la Finette. Il ordonna d’arrimer, la cargaison, de telle sorte que le navire en fût soulagé ; des ballots et des caisses furent jetés à la mer, six pièces de douze descendues à fond de cale.

En dépit de ces efforts, la frégate anglaise ne perdait