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le docteur lerne, sous-dieu

Ainsi allait ma pensée lorsque la tige du plantain se tortilla comme un ver.

Dans le même temps, une masse d’un gris chatoyant fit un soubresaut qui trahit sa présence derrière le comptoir. Là gisait, au milieu d’une flaque de sang, un lapin à la fourrure argentée. Il venait de mourir et n’avait plus d’oreilles que deux trous sanglants.

Le pressentiment de la réalité me couvrit de sueur. C’est alors que je touchai la plante velue. Ayant palpé les deux feuilles traitées, si conformes à des oreilles, je les sentis chaudes et frémissantes.

Une reculade me lança contre le comptoir. Ma main, crispée de répugnance, secouait le souvenir du contact comme elle eût fait de quelque hideuse araignée ; elle heurta fébrilement la ratière, qui tomba.

Du coup, le rat bondit à l’intérieur de la cage, se démena, mordit, roula, se débattit avec la fureur d’un possédé… Et mes yeux exorbités allaient sans cesse du plantain à l’animal, de cette tige frétillant toujours comme une couleuvre mince et noire à ce rat qui n’avait plus de queue…

Sa blessure avait guéri, mais, vestige d’une autre expérience, la pauvre bête traînait après ses culbutes une espèce de ceinture défaite, laquelle fixait encore à son flanc tailladé la pousse verte qu’on y avait insérée.

Cette pousse, d’ailleurs, me parut s’être étiolée.

Lerne remontait donc l’échelle des êtres ! Mainte-