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le docteur lerne, sous-dieu

sins remuaient paresseusement ; des gris, des incarnats, des safrans ondoyèrent, et, comme sous la poussée d’un remous, l’aquarium tout entier s’agita.

Je frappai la cuve de droite. Rien ne bougea.

C’était probant. Cette division des polypes en deux récipients m’avait permis de mieux saisir la soudure constituée par eux et qui, réunissant l’animal et le végétal, apparente l’homme au brin d’herbe. À ce point de jonction des deux règnes organisés, les créatures de gauche — actives — étaient en bas de leur échelle, et celles de droite — inanimées — au sommet de la leur : les unes commençaient à devenir des bêtes, tandis que les autres finissaient d’être des plantes.

Ainsi, le gouffre qui semble séparer ces deux antithèses du monde se réduit pour la structure à de faibles divergences, presque invisibles, un écart moins frappant que l’opposition du loup et du renard, des sosies pourtant, et pourtant des frères.

Or, cet écart infinitésimal d’organisation, que la science toutefois répute infranchissable puisqu’il départage l’inertie d’avec le mouvement spontané, Lerne l’avait franchi. Dans le bassin du fond, les deux espèces étaient greffées l’une sur l’autre. J’y observai telle foliole gélatineuse du genre impassible, entée sur un pédoncule mobile, et qui maintenant se mouvait, elle aussi. Les greffons adoptaient l’état de la plante qui les supportait : pénétrée d’un suc vivace, l’indiffé-