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le docteur lerne, sous-dieu

Au lieu de pommes résineuses, un sapin se constellait de marrons ainsi que d’astres rayonnants, et, de plus, il arborait ce contraste : l’orange, globe d’or, soleil des vergers d’Orient, et la nèfle, qui semble le fruit posthume d’un arbre mort de froid.

Non loin, se pressaient des miracles plus achevés, Flore y coudoyant Pomone, eût écrit le bon Demoustiers. La plupart des plantes constitutives m’étaient étrangères et je n’ai retenu que les plus communes, celles dont le premier venu sait la liste. Je revois encore un saule étonnant, porteur d’hortensias et de pivoines, de pêches et de fraises. Mais le plus joli de tous ces hybrides, n’était-ce pas ce rosier fleuri de reines-marguerites et fruité de pommes d’api ?

Au centre de la rotonde, un buisson mélangeait les feuillages disparates du houx, du tilleul et du peuplier. Les ayant écartés, je pus contrôler qu’ils émanaient tous trois d’une souche unique.

C’était le triomphe de la greffe, une science que Lerne avait, depuis quinze ans, poussée jusqu’au prodige, si avant, même, que le spectacle des résultats présentait quelque chose d’inquiétant. — Lorsqu’il retouche la vie, l’homme fabrique des monstres. — Une sorte de malaise me troublait.

« De quel droit déranger la création ? pensais-je. Est-il permis d’en bousculer jusqu’à ce point les vieilles lois ? et peut-on jouer à ce jeu sacrilège sans commettre un crime de lèse-Nature ?… Si encore ces sujets tru-