Du moins, c’est ainsi que je parlais et, mieux encore, que j’agissais, aux vacances. Elles étaient pour moi une longue féerie que je jouais avec des comparses imaginaires ou figurés, vivant sur l’eau, dans les arbres, et sous terre plus souvent que dessus. Si je passais la pelouse au galop de mes mollets nus, on voyait bien, à mon air, que des escadrons de chevaliers chargeaient derrière moi, en illusion. Et la vieille barque ! Mâtée pour la circonstance de trois balais où se gonflaient des voiles hétéroclites, elle me servait de nef, et l’étang devenait la Méditerranée portant la flotte des Croisés ! Pensif et regardant les îles-nénuphars et les péninsules de gazon, je proclamais : « Voici la Corse et la Sardaigne !… L’Italie est en vue !… Nous doublons Malte ! » Au bout d’une minute : « Terre ! » On abordait en Palestine : « Montjoie et saint Denis ! » — J’ai souffert, là-dessus, le mal de mer et celui du pays ; la guerre sainte m’enivra ; j’y appris l’enthousiasme et la géographie…
Mais le plus souvent, les autres acteurs étaient simulés. C’était plus réel. Il me souvint alors — car tout enfant recèle un Don Quichotte — il me souvint d’un géant Briarée que fut le pavillon rustique, et surtout d’une futaille devenue le dragon d’Andromède. Ah ! cette futaille ! Je lui avais confectionné une tête à l’aide d’un potiron qui louchait, et des ailes de vampire avec deux parapluies. L’appareil embusqué au détour d’une allée contre une Nymphe de terre cuite,