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le docteur lerne, sous-dieu

m’arrêtais au milieu du domaine, il essaya sa toute-puissance.

Là, je rêvai longuement, centre humain de l’énorme cirque, et centre aussi d’une ronde de pensées. À mon appel étaient venues, en cyclone, les figures d’autrefois et d’hier, fantaisistes ou réelles, personnages du Conte ou de la Vérité ; elles tourbillonnaient autour de moi dans une cohue échevelée, et elles faisaient de la cuve un Mælström de souvenance où tournoyait tout le Passé.

Mais il fallait bien s’en aller et laisser Fonval au lierre et aux araignées.


Devant la remise, Emma, toute harnachée pour le voyage, montait la garde impatiemment. J’ouvris la porte. L’automobile était placé de guingois au fond du réduit. Je ne l’avais pas revu depuis l’accident et, même, je ne me souvenais pas de l’avoir garé. Les aides, par une obligeance tardive, l’avaient sans doute rentré tant bien que mal.

Au mépris de ma négligence, le moteur ronfla de bonne grâce dès le premier contact électrique. Je sortis alors la voiture jusqu’à l’esplanade en demi-lune et refermai sur tant de mémoires l’emblème du portail sanglotant. Finie l’histoire terrifiante de Klotz, grâce au ciel ! mais bien finies aussi mes jeunes années !… Je me figurai que l’action de garder Fonval aurait le pouvoir de les prolonger :

— Nous nous arrêterons à Grey, chez le notaire,