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le docteur lerne, sous-dieu

Au moment où je m’éloignais pour mieux juger de l’effet, on gratta doucement à la porte.

— C’est moi, Nicolas, moi… Emma.

L’innocente fille ! allais-je lui dire la vérité ? Comment prendrait-elle une pareille divagation de la Destinée ?… Je la connaissais. Mainte fois narguée, elle m’aurait reproché de la vouloir mystifier… Je me tus.

— Repose-toi, fit-elle à voix basse. Barbe va te remplacer.

— Non, non, merci ; laisse-moi.

Il me fallait poursuivre la veillée de mon oncle. Je l’avais inculpé de trop de méfaits, et j’aurais voulu demander pardon à sa mémoire et à celle de ma tante.

C’est pourquoi, malgré le bacchanal de l’orage, nous conversâmes toute la nuit, le mort, le pastel et moi.


Barbe étant venue à l’aube, je sortis dans le froid du matin qui apaise sur la peau le feu des veilles.

Le parc en automne exhalait une odeur fanée de cimetière. Le grand vent de la nuit avait cueilli toutes les feuilles, et mes pas bruissaient parmi leur couche épaisse ; on n’en voyait plus aux squelettes des arbres, qu’une ou deux par-ci par-là, encore ne savait-on pas si c’était des feuilles ou des moineaux. En quelques heures, le parc avait fait ses préparatifs d’hivernage.