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le docteur lerne, sous-dieu

sa renommée, demeurait fidèle à sa ville natale : le docteur Frédéric Lerne, professeur de clinique à l’École de Médecine, membre correspondant de nombreuses sociétés savantes, décoré d’ordres multiples et, pour ne rien oublier, tuteur de son neveu Nicolas Vermont.

Ce nouveau père que la loi m’imposait, je l’avais en somme peu fréquenté, car il ne prenait pas de vacances et ne passait à Fonval que ses dimanches d’été. Encore les employait-il à travailler sans trêve, à l’écart. Ces jours-là, en effet, sa passion pour l’horticulture, refrénée toute la semaine, le claquemurait dans la petite serre avec ses tulipes et ses orchidées.

Cependant, malgré la rareté de nos réunions, je le connaissais bien et je l’aimais beaucoup.

C’était un robuste gaillard, calme et sobre, un peu froid peut-être, mais si bon ! Irrévérencieux, j’appelais son visage tout rasé une figure de vieille bonne femme, et mes railleries touchaient bien à faux, car tantôt il le composait à l’antique : haut et grave, et tantôt finement rieur : à la Régence ; parmi les modernes imberbes, mon oncle était de ces quelques-uns dont la tête légitime par sa noblesse l’ancêtre drapé de la toge, le grand-père vêtu de satin, et permettrait au rejeton de porter sans leur nuire les costumes de ses aïeux.

Pour l’instant, Lerne m’apparaissait affublé d’une