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le docteur lerne, sous-dieu

vinrent obséquieux. — J’attendais leur bon plaisir.

Enfin ils m’aidèrent à monter le professeur dans sa chambre et à le coucher sur son lit. Emma nous aperçut, cria, s’enfuit ; et, les Allemands partis sans plus de formes, Barbe et moi nous demeurâmes seuls avec mon oncle. La grosse servante pleura quelques larmes, en l’honneur, je suppose, de la mort envisagée comme entité, et non pour satisfaire aux mânes de son maître. Elle le considérait du haut de sa corpulence. Lerne changeait, le nez pincé, les ongles bleuis.

Un silence.

— Il faudrait faire sa toilette, dis-je tout à coup.

— Laissez-moi la besogne, répondit Barbe, elle n’est pas régalante, et moi, ça me connaît.

Je tournai le dos à l’habillage mortuaire. Barbe possédait le savoir des commères villageoises, qui sont toutes un peu sages-femmes et un peu croque-morts. Elle m’annonça bientôt :

— C’est fait, et bien fait ! Rien n’y manque, à part l’eau bénite, et les décorations que je ne trouve pas…

Lerne était si blanc sur son lit tout blanc, qu’ils se mêlaient ensemble et prenaient l’air d’un sarcophage d’albâtre à l’effigie tombale, tous deux sculptés dans un même bloc. Mon oncle, soigneusement coiffé, avait une chemise à plis, cravatée de blanc. Les mains, si pâles ! se joignaient, passées dans un chapelet. Un crucifix s’étoilait au plastron. Les genoux et les pieds saillissaient sous les draps, semblables à des collines