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le docteur lerne, sous-dieu

elle prit position d’héroïne et voulut, ce soir-là, comme tant d’autres, galoper certaine chevauchée nuptiale et fantaisiste.

Mais alors, comme elle courait à l’abîme des satisfactions en Walkyrie experte, il se passa une chose surprenante et terrible.

Au lieu de monter la pente voluptueuse vers le paroxysme imploré, il me sembla au contraire que je la descendais, passant d’un plaisir à un plaisir moindre et glissant peu à peu à l’indifférence. Je me comportais toujours vaillamment, une ardeur croissante animait la fureur de mon corps, mais plus il jouait beau jeu, moins mon esprit en éprouvait de contentement… Ce pauvre résultat me rendit inquiet. Et voilà que cette inquiétude elle-même se rapetissa… Je voulus arrêter mon satané physique. Pfffttt ! bernique ! ma volonté diminuait au point d’être sans force. Je sentais mes facultés se réduire constamment, se tasser ; et mon âme, devenue lilliputienne, était impuissante à gouverner mes muscles comme à recevoir l’impression de leurs manœuvres. À peine pouvais-je me rendre compte des actions de mon corps, et retenir qu’il témoignait d’un entrain tout à fait exceptionnel, dont Emma se félicitait visiblement.

Dans l’espoir de couper court au phénomène, je condensai la puissance de mon autorité. Ce fut en vain. On aurait dit qu’une autre âme avait envahi la place de la mienne, dirigeant à sa guise ma conduite et