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le docteur lerne, sous-dieu

volement cette honteuse convention… Mais la femme surpasse l’enchanteur le plus sorcier : une œillade, un roulis des hanches, et nous voilà transformés dans notre personnalité la plus intime plus radicalement que ne le feraient baguettes magiques ou bistouris prestidigitateurs. Qu’est-ce que Lerne auprès d’Emma ?

Emma !… Je l’ai eue toutes les nuits, malgré la proximité du savant. Il respirait, là, de l’autre côté de cette cloison ; il pouvait nous entendre à sa fantaisie, nous voir au trou de la serrure… Dieu m’excuse ! j’y trouvais comme une excitation, un piment vicieux à nos cènes orgiaques !

Et pourtant, quel festin déjà ! meilleur de nuit en nuit !…

Emma, femme ingénue, amante ingénieuse, savait à l’infini varier les noces antiques, dont le fond est immuable, par des rites nouveaux qui les travestissaient jusque dans leur issue. Elle faisait toujours différemment les honneurs de son désir, non pas au moyen de ces arrangements classiques, numérotés, catalogués et d’ailleurs fastidieux, mais grâce à je ne sais quoi d’original, d’inouï, de charmant. Elle était multiple dans l’amour, et, d’elle-même, sans le vouloir, savante d’instinct, se faisait tour à tour la maîtresse tyrannique ou la proie docile. Son corps, il est vrai, son corps insidieux et récréatif, se prêtait admirablement aux caprices de ces diverses physionomies. Car, s’il devenait, dans l’action et par le geste naturels, celui d’une cour-