Page:Renard - Le Docteur Lerne sous-dieu, 1908.djvu/262

Cette page a été validée par deux contributeurs.
258
le docteur lerne, sous-dieu

se rendant à l’ouvrage, la cognée sur l’épaule. J’évoquai de pesants licteurs déguenillés allant perpétrer le supplice des arbres.

Lesquels périraient aujourd’hui d’entre mes vieux camarades ? Ce hêtre-ci ? Ce marronnier-là ?… Je les voyais de la fenêtre, chargés de tous les blonds de l’automne alezane, depuis le cuivre le plus foncé jusqu’à l’or le plus pâle, chacun faisant, parmi le bariolage de tous ces jaunes, sa tache d’ombre fauve ou bien de clarté russe. — Les sapins noircissaient. Des feuilles tombaient à leur gré, car il n’y avait pas de brise. — Un peuplier colosse, à la cime chenue, dominait les frondaisons de sa flèche cathédrale. Je l’avais toujours connu ainsi : monumental, et sa contemplation remuait les souvenirs de mon enfance…

Une panique d’oiselets s’en échappa soudain ; deux corbeaux le quittèrent avec des croassements ; un écureuil sauta de branche en branche et se réfugia sur un noyer voisin. Quelque bête puante, grimpée dans l’arbre, les avait sans doute effarouchés. Je ne pus la distinguer ; d’ailleurs, un bouquet de buissons me cachait toute la partie basse du peuplier. Mais je fus péniblement surpris de voir celui-ci frémir du faîte au pied, s’ébranler d’une ou deux secousses, et balancer lentement ses rameaux. On eût dit qu’un vent s’était levé qui soufflait pour lui seul.

Je pensai aux bûcherons, sans me faire un concept fort précis du rôle qu’ils pouvaient jouer en cette his-