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le docteur lerne, sous-dieu

mandée afin de les abattre. — La joie de voir la propriété rendue à la libre circulation me consola de cette coupe sacrilège. — À travers la cuve, immense atelier, on voyait le professeur aller et venir fiévreusement d’un bâtiment à l’autre, d’une machine à un dispositif, acharné à la suppression du fatal pédicule. Parfois cependant il faiblissait, sous le coup d’un de ces éblouissements très particuliers dont il s’agit. C’était toujours pendant qu’il réfléchissait profondément, les yeux fixés sur un objet quelconque et dans toute l’activité de la pensée, que l’attaque le faisait défaillir. Alors il pâlissait de plus en plus… jusqu’à ce que les couleurs lui revinssent aux joues, d’elles-mêmes et progressivement. Ces crises le laissaient veule et sans force. Elles lui retiraient sa belle confiance, et je l’entendis se plaindre à la suite de l’une d’elles, murmurant d’un ton découragé : « Je n’y arriverai jamais, jamais ! » Bien souvent j’avais été sur le point de lui en toucher deux mots. Je m’y déterminai ce jour-là.


Nous prenions le café. Lerne, assis dans un fauteuil en face de la fenêtre, tenait à la main sa tasse. On causait à propos interrompus qui, d’ailleurs, se raréfiaient. À défaut de sujet méritoire, la conversation languissait ; peu à peu elle cessa, comme un feu s’éteint faute de combustible.

La pendule sonna, et l’on vit passer les bûcherons