Page:Renard - Le Docteur Lerne sous-dieu, 1908.djvu/254

Cette page a été validée par deux contributeurs.
250
le docteur lerne, sous-dieu

faits : que « l’être organisé n’ayant jamais vécu » n’existait pas, et que, d’un autre côté, le professeur doutait de pouvoir supprimer le pédicule. Donc il échouait. Après ses anciennes prouesses, je m’attendais de sa part à tous les miracles ; un seul pouvait m’étonner : son impuissance.


Je partis à la recherche de mon oncle afin de lui remettre son carnet. Barbe, que je croisai, la poitrine en bedaine et la bedaine en bombonne, m’avertit qu’il se promenait dans le parc.

Je ne l’y rencontrai pas. Mais, au bord de l’étang, j’aperçus Karl et Wilhelm qui regardaient quelque chose sur l’eau. Ces deux maroufles m’inspiraient de l’aversion à cause de leurs cerveaux interchangés ; leur présence m’écartait d’habitude, mais, ce jour-là, le spectacle qui les tenait sur la berge m’y attira près d’eux.

Ce quelque chose, qu’ils regardaient, sautait hors de l’eau dans un éclaboussement de gouttelettes adamantines, et c’était une carpe. Elle bondissait en agitant ses nageoires qui battaient l’air comme des ailes. On aurait dit qu’elle tâchait à s’envoler…

La malheureuse ! elle s’y efforçait réellement ! J’avais devant moi ce poisson que Lerne avait doté d’une âme de merle. L’oiseau captif, en proie, dans sa chair écailleuse, aux vieilles aspirations de sa race, et las de sa diète d’azur, s’élançait vers le ciel impossible. À la fin,