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le docteur lerne, sous-dieu

scientifiquement. Mon oncle continuait en lui-même des spéculations qu’il estimait, je suppose, trop abstruses pour mon intelligence, et il fredonnait chemin faisant son refrain favori, qu’il tenait de ses aides à coup sûr : « Roum fil doum fil doum. »

Puis, aussitôt rentrés, il s’empressait de gagner le laboratoire ou la serre.

Nous alternions ces marches avec les tournées en automobile. Alors mon oncle enfourchait un autre dada. Il classait mon véhicule à son rang parmi les catégories animales, exposait les bêtes d’aujourd’hui, celles d’hier et celles de demain au milieu desquelles, à n’en pas douter, la voiture automobile prendrait place. Et la prédiction s’achevait dans un panégyrique attendri de ma 80-chevaux.

Il voulut apprendre à mener l’engin. C’était besogne facile. En trois leçons je le fis passer maître. Il me conduisait toujours, maintenant, et je ne m’en plaignais pas, mes yeux se fatiguant très vite d’une attention soutenue, depuis le double sectionnement et les deux soudures consécutives des nerfs optiques. Mon oreille gauche n’avait pas non plus recouvré toute la sensibilité désirable. Mais je n’osais pas m’en ouvrir à Lerne, de peur d’augmenter d’un remords le nombre de ceux qu’il paraissait avoir.


C’est à la suite d’un de ces circuits sportifs qu’il m’arriva, en nettoyant ma voiture — il fallait bien le