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le docteur lerne, sous-dieu

cloporte ; une goutte de pluie lâchait sur mon admiration le déluge de la chimie ; et, quand nous arrivions à la lisière de la forêt, j’avais entendu, par la bouche de Lerne, tout un collège professer.

Mais c’est justement là, sur la frontière des bois et des champs, qu’il fallait le voir. Le dernier arbre dépassé, il s’arrêtait — inexorablement —, se hissait au faîte d’une borne, et dissertait de l’univers en face de la plaine et du ciel. Il les décrivait si ingénieusement, qu’à l’écouter, on croyait voir la nature s’expliquer et s’ouvrir jusqu’au fond de la terre et jusqu’au bout de l’infini. Ses paroles savaient aussi bien crevasser les collines, afin d’y mettre à nu les couches du terrain, que rapprocher, pour en mieux discourir, les planètes invisibles. Elles savaient analyser la vapeur des nuées comme trahir l’origine d’une bise, évoquer les paysages préhistoriques, et prophétiser de même l’avenir séculaire de la contrée. Il fouillait de l’esprit et des yeux l’immense panorama, depuis le chaume voisin jusqu’à ces horizons diffus que la distance peint en bleu. D’un mot, chaque chose était définie, dévoilée, mise dans la clarté d’un commentaire, et, comme il faisait de grands mouvements qui tournaient, pour désigner tour à tour telle rivière ou tel clocher, l’envergure de ses bras semblait se prolonger d’un rayon et décrire sur le pays le geste salutaire et lumineux des phares.

Le retour à Fonval s’accomplissait d’ordinaire moins