Page:Renard - Le Docteur Lerne sous-dieu, 1908.djvu/242

Cette page a été validée par deux contributeurs.
238
le docteur lerne, sous-dieu

vous, mes frères, si vous changiez de sexe en gardant vos cervelles, feraient d’honnêtes filles et non des gourgandines ?…

Il se peut, d’ailleurs, que l’éther soit mauvais professeur de gynécologie et que mon rêve m’ait abusé. Car ce n’était qu’un vain cauchemar. Il dura peut-être un quart de seconde, le temps d’éprouver quelque dent de scie ébréchée ou le tranchant d’un bistouri mal repassé.


Le crépuscule emplit d’une pénombre vermeille la buanderie. J’aperçois, en baissant les yeux, les pointes de ma moustache.

C’est la résurrection de Nicolas Vermont.

Et c’est aussi la fin de Jupiter. On dépèce, au fond de la salle, cette masse noire où j’ai séjourné. Dans la cour, les chiens en bagarre se disputent déjà les premiers morceaux que Johann leur a jetés…

Ma jambe cassée me fait souffrir… et la clavicule, donc !… Je suis rentré dans une armure de douleurs.

Lerne me veille. Il est joyeux. On le serait à moins. N’est-il pas en paix avec sa conscience ? N’a-t-il pas racheté ses torts envers moi ? Comment saurais-je lui garder rancune ?… Il me semble même que je lui dois quelque reconnaissance…

Tant il est vrai de dire que rien ne simule un bienfait comme la réparation volontaire d’un méfait.