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le docteur lerne, sous-dieu

comme on désire l’étreinte au printemps. Les vaches se garaient de leur mieux ; toutes les bêtes du jardin craignaient le taureau emporté ; un jour, Lerne, qui passait là, s’enfuit à toutes jambes.

La vie me pesa. J’avais épuisé tous les plaisirs de l’observation, et ma nouvelle demeure ne m’occasionnait plus que désagrément sur contrariété. Je ne cessai de dépérir. Le fourrage perdit son arome, la source fut insapide, et la compagnie des génisses devint odieuse. Par contre, de vieilles envies s’imposèrent, en lubies morbides : celle de manger de la viande et celle… de fumer !… Impayable, n’est-ce pas ? Mais d’autres considérations ne portaient guère à la risée. La crainte du laboratoire me faisait trembler toutes les fois qu’un aide s’approchait du pâturage, et la peur qu’on me ligotât pendant la nuit m’empêchait de dormir.

Ce n’est pas tout. Je nourris la conviction que je deviendrais fou dans mon crâne de ruminant. Les accès de colère insurmontable en seraient la cause. Ils se multipliaient. Et la conduite d’Emma n’était point pour les espacer.

En effet, la jolie promeneuse rôdait assidûment aux alentours du kiosque, et la convoitise se peignit chez le Minotaure. — En vérité, il avait l’air d’un homme complet, à ces moments-là ! tant la concupiscence nous égale aux brutes !… Emma regardait avec complaisance cette face cruelle dont pas un trait ne bou-