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DANS LE PÂTURAGE


Pendant les huit jours de ma convalescence au laboratoire, pansé, tenu au repos et nourri de quelques drogues, je subis l’alternance des grands chagrins : désespoirs suivis d’abattements.

Après chaque somnolence, je croyais avoir rêvé cette mésaventure. Or il importe de noter que les sensations de mes réveils me fortifiaient dans cette erreur aussitôt dissipée. On sait, en effet, que les amputés souffrent beaucoup et rapportent leur souffrance à l’extrémité périphérique des nerfs coupés, c’est-à-dire au membre qu’ils n’ont plus et qu’ils se figurent ainsi avoir conservé. La jambe ou le bras enlevés leur fait mal. Si l’on réfléchit que j’étais amputé de tout le corps, on comprendra que j’aie souffert de toutes ses parties, de mes mains lointaines, de mes pieds humains, et que cette douleur me prouvât jusqu’à l’évi-