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le docteur lerne, sous-dieu

» Des moribonds étaient certains de guérir, plus certains que de ne pas défuncter sous l’éther.

» Il y en eut qui prirent peur : « C’était tenter Dieu ! » Ils s’écartaient de moi comme du Diable, et certains m’auraient aspergé d’eau bénite… J’eus beau leur objecter que l’homme se modifie plus complètement au cours de sa vie qu’ils ne changeraient sous mon bistouri, et que la morale religieuse a fait du chemin depuis 1670 où fut excommunié ce Russe dont le crâne avait été rapiécé avec un os de chien… Rien n’y fit.

» Beaucoup sentencièrent aussi : « On sait ce qu’on a, on ne sait pas ce qu’on prend. »

» Le croirais-tu ? les femmes ont failli me sauver ! Elles aspiraient en foule à devenir des hommes. Par malheur, mes chenapans, — sauf deux ou trois, les plus intrépides, — refusèrent catégoriquement d’adopter le sexe féminin.

» En désespoir de cause, je faisais briller l’alléchante perspective de la vie indéfinie reprenant son élan à chaque nouvelle incorporation : — « La vie, m’ont répondu des septuagénaires, est déjà trop longue telle que Dieu l’a bornée. Nous ne souhaitons plus rien, que périr. » — « Mais je vous rendrai tous les désirs en même temps que la jeunesse ! » — « Grand merci ! le sort de nos désirs est d’être inexaucés… »

» Parmi les adultes, je m’entendis souvent répliquer : « Le charme de l’expérience acquise vaut bien qu’on la préserve de tout amoindrissement, et qu’on ne