Page:Renard - Le Docteur Lerne sous-dieu, 1908.djvu/190

Cette page a été validée par deux contributeurs.
186
le docteur lerne, sous-dieu

enfouie. Ce fut d’une bêche vacillante que je débarrassai le menton, des favoris presque bleus, puis une moustache épaisse, enfin le masque…

Je savais à présent la destinée de tous les personnages groupés sur la photographie. Otto Klotz, à demi exhumé, le front dans la glèbe, gisait devant moi. Je l’identifiai sans hésiter ; il était superflu de le dégager complètement ; au contraire, mieux valait recombler la fosse pour ne laisser nul témoignage de l’équipée…

Pourtant, tout d’un coup, je repris la pioche avec frénésie et recommençai de creuser à côté du trépassé. Là surgissait un os, arrondissant, comme un champignon vénéneux, son apophyse blanchie et déjà spongieuse… Est-ce que… la… d’autres sépultures ?… Oh !…

Je creusais, je creusais… j’avais la fièvre. Des flocons éblouissants papillotaient devant mes yeux, et, Pentecôte de ma rétine affolée, il me parut qu’il neigeait des langues de feu…

Je creusais… je creusais… et je découvris tout un cimetière à fleur de sol ; mais, grâce à Dieu ! un cimetière d’animaux : les uns squelettes ; d’autres dans leur plume ou leur poil, secs ou nauséabonds ; cochons d’Inde, lapins, chiens, chèvres, entiers parfois, souvent réduits à de simples morceaux dont le reste avait nourri la meute ; une jambe de cheval — mon cher Biribi, c’était la tienne ! — ; et, sous une couche de terre fraîchement remuée, abats de boucherie empaquetés