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le docteur lerne, sous-dieu

L’oiseau… Qu’on se représente une fauvette à tête noire, avec cette différence — plutôt capitale ! — que sa tête, au rebours, était blanche : une variété, sans doute celle de la volière, et que je désignerais moins gauchement si j’étais plus versé dans l’histoire naturelle.

Les deux champions face à face, l’un marchant sur l’autre. Mais, — conçoit-on ma perplexité ? — c’est la fauvette qui faisait reculer le serpent !… Elle avançait par saccades, à petits sauts brusques et rares, sans un battement d’ailes, d’une allure hypnotique ; son œil fixe avait l’éclat magnétiseur dont brille celui des chiens en arrêt, et la vipère, maladroite, rétrogradait devant elle, fascinée par les regards implacables, tandis que l’effroi lui arrachait des sifflements suffoqués…

« Diable ! me dis-je, le monde est-il renversé ou si c’est que j’ai l’esprit à l’envers ? »

Je commis alors cette faute, pour être témoin du dénouement, de trop me rapprocher, ce qui le modifia. La fauvette m’aperçut, s’envola, et son ennemie s’étant faufilée dans les herbes, le sillage de sa déroute les parcourut en zigzag.

Mais déjà se dissipait l’angoisse ridicule et démesurée qui m’avait glacé. Je me tançai moi-même d’importance : « J’ai la berlue… c’est un exploit de l’amour maternel, et rien d’autre. La petite bête héroïque défend son nid et ses œufs. On ne sait pas la force des mères… voilà, morbleu ! Voilà !… Que