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le docteur lerne, sous-dieu

Doniphan m’adresse un coup d’œil. Feignant d’aller, par enfantillage, se promener sous la neige qui tombe, il sort par le vestibule. On l’entend siffler un air, au dehors. Il s’éloigne. Moi, comme pour aider la bonne à desservir la table, je regagne la salle à manger. Doniphan m’y rejoint par la porte opposée à celle du petit salon, laquelle, pour nous permettre d’écouter les mouvements de Lerne, est restée ouverte. Il m’entoure de ses bras ; je l’enlace. Baiser silencieux.

» Tout à coup, Doniphan verdit. Je suis la direction de ses regards… La porte du petit salon est munie d’une lame de verre — ce qu’on appelle une plaque de propreté, tu sais bien — et, au fond de ce miroir obscur, je vois les yeux de Lerne qui nous guettent

» Le voilà sur nous !… Mes jarrets fléchissent… Mac-Bell est tout petit, Lerne l’a terrassé. Ils se débattent. Le sang coule. Ton oncle s’acharne, des pieds, des ongles, des dents !… Je crie, j’arrache ses habits… Soudain il se relève. Mac-Bell est évanoui. Et voilà que Lerne pouffe d’un rire désordonné, charge Doniphan sur son épaule et l’emporte vers le laboratoire. Je crie toujours, et alors j’ai l’idée d’appeler : « Nelly ! Nelly !… » La chienne accourt. Je lui désigne le groupe, et elle se précipite au moment où Lerne disparaît derrière les arbres avec son fardeau. Elle disparaît aussi. J’écoute. Elle aboie. Et subitement je ne distingue plus que le frisselis de la neige.