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le docteur lerne, sous-dieu

» Puis Lerne, ayant congédié les domestiques, engagea pour tout serviteur la pitoyable Barbe, et manigança les routes du labyrinthe.

» Au jour indiqué, Mac-Bell, ahuri d’avoir trouvé la forêt sens dessus dessous, rentrait à son tour au château, suivi de sa chienne. Lerne l’aborda, qu’il tenait encore ses valises, et acheva de l’abasourdir en l’admonestant avec une telle incontinence de gesticulation et une figure si malveillante, que Nelly, haut le poil et dehors les crocs, se mit à gronder.

» Ce qui devait être fut. En considération de l’âge et de la qualité de notre hôte, Mac-Bell et moi nous aurions probablement respecté son toit, comme on dit. Mais il ne s’agissait plus que de tromper un barbon colère et tyrannique, — nous le fîmes.

» Cependant le professeur devint de jour en jour plus absolu et plus irritable. Il vivait dans un état de surexcitation indicible, ne sortant pas, travaillant d’arrache-pied, génial peut-être, malade à coup sûr. La preuve ? Sa mémoire le quittait. Il était sujet à des oublis sans nombre, et, souvent, me questionnait sur son propre passé, n’ayant plus de souvenirs précis qu’en matière de science.

» Fini le rire ! c’était vrai. Et fini le bonheur avec lui ! Pour une supposition, Lerne m’invectivait ; sur un soupçon, il me battit. — Je ne déteste ni les injures ni les coups, je te l’accorde, mais seulement si les unes me tirent des larmes, et les autres du sang, si la bouche