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le docteur lerne, sous-dieu

lui servirais de chose à jongler ! Ma ceinture lui faisait un bracelet trop étroit !… — Enfin, j’avais reçu un coup de couteau bien servi, je te le jure. Regarde plutôt !

Elle fit sauter les couvertures et me montra, dans le pli de l’aine, une couture triangulaire et livide, la griffe de l’exécrable Léonie.

» Oui, tu peux l’embrasser, va ! reprit-elle, j’ai failli en mourir. Ton oncle m’a soignée et sauvée, c’est le cas de le dire.

» À cette époque-là, ton oncle, c’était un brave garçon, pas fier. Il me parlait souvent. Moi, je trouvais ça flatteur ! Le chirurgien en chef ! tu penses !… Et il causait si bien ! Il me faisait des sermons aussi beaux qu’à l’église, sur ma vie : « elle était mauvaise, je devrais en changer », et patati et patata… Et tout ça sans avoir l’air dégoûté de moi, si sérieusement, que moi, je commençais à m’en dégoûter pour tout de bon et à ne plus vouloir de la noce ni d’Alcide… — la maladie, n’est-ce pas, ça vous tranquillise les sangs…

» Et puis voilà que Lerne me dit un jour : — « Tu es guérie. Tu peux t’en aller où tu voudras. Seulement ce n’est pas tout d’avoir pris une bonne résolution, il faudrait la tenir. Veux-tu venir chez moi ? Tu seras lingère et tu gagneras ta vie loin de tes anciens compagnons. En tout bien tout honneur, tu sais ! »

» Moi, ça m’ébouriffait. Je me disais : « Cause toujours, c’est du boniment pour m’enjôler. Une fois