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le docteur lerne, sous-dieu

l’interrompaient délicieusement — drame coupé de chansons —, et c’est pourquoi, surtout, je renonce à la transcrire in extenso, pour épargner à ma sensibilité le rappel de transports à jamais révolus. On ne converse pas de façon très suivie avec une maîtresse intempérante, lorsque, de plus, elle n’est vêtue que de ses draps, et si, par surcroît, elle perd gentiment connaissance à chaque fois qu’on renouvelle la sienne.

Parfois aussi, un craquement, un bruit quelconque arrêtait nos devis ou nos ébats sur un mot ou sur un baiser. Emma se dressait alors dans l’épouvante de Lerne, et je ne pouvais m’empêcher de frissonner à la vue de son égarement, car il suffisait d’une oreille à la porte, d’un œil à la serrure, et la sombre anecdote eût revécu pour moi.

Bon gré, mal gré, j’appris d’Emma son origine et ses débuts. Ils n’ont que faire ici et pourraient se résumer : « Comment une enfant trouvée devint une fille perdue ». Emma fit preuve, durant cette confession, d’une sincérité qu’on eût taxée de cynisme chez toute autre moins candide. Avec la même franchise elle continua :

— J’ai connu Lerne il y a cinq ans — j’en avais quinze — à l’hôpital de Nanthel. J’étais entrée dans son service. Comme infirmière ? — Non. Je m’étais battue avec une camarade, Léonie, à cause d’Alcide, mon homme. — Eh bien, quoi ? Je n’en rougis pas. Il est superbe. C’est un colosse, mon petit ; tu