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le docteur lerne, sous-dieu

le rompit. Heureusement, comme l’habit s’adapte souvent au moine, le fond peut corriger la forme, et son langage se tempéra quelque peu à exprimer les choses graves qui, depuis un instant, me tourmentaient moi-même. Elle poursuivait son idée :

— Mon petit, dit-elle, à présent que nous en sommes là, il est inutile de ne pas chercher à recommencer. Mais, je t’en supplie ! pas d’imprudence ! que ce soit toujours : en toute sécurité ! Lerne, vois-tu… Lerne !… Tu ne te doutes pas des dangers qui nous menacent…, qui te menacent, toi surtout.

Je vis qu’elle assistait en soi-même au souvenir de scènes tragiques.

— Mais quels dangers ?

— Voilà le pire : je ne sais pas. Je ne comprends rien à tout ce qui se passe autour de moi, rien, rien… sinon que Doniphan Mac-Bell est devenu fou parce que je l’ai aimé…, et que je t’aime aussi !

— Voyons, Emma, du sang-froid ! Nous sommes alliés maintenant ; à nous deux, nous trouverons bien la vérité ! — Quand es-tu arrivée à Fonval ? Et que s’est-il passé depuis ?

Alors elle me raconta ces péripéties. Je les reproduis en les enchaînant de mon mieux, pour plus de limpidité, mais réellement l’histoire s’éparpilla dans un dialogue où mes questions guidaient la conteuse prompte aux digressions et loquace en futilités. Cette causerie fut d’ailleurs agrémentée d’intermèdes qui