Page:Renard - Le Docteur Lerne sous-dieu, 1908.djvu/137

Cette page a été validée par deux contributeurs.
133
le docteur lerne, sous-dieu

La chienne semblait y réfléchir, tant son allure était consternée. Elle se tenait à l’écart des autres chiens, et, comme certain bouledogue assez fringant l’accostait, l’œil aux gaillardises et la queue en déclaration, la chienne eut un sursaut accompagné d’un regard d’une telle férocité et d’un cri rauque si terrible, que l’autre déguerpit jusqu’au fond de sa niche, cependant que la meute, décontenancée, dressait toutes ses têtes de carnaval.

La pudibonde Nelly poursuivit sa marche.

Qu’avais-je donc à rester ici ? Malgré ma hâte d’abréger cette reconnaissance et de courir à d’autres passe-temps, quelque chose me retenait…, quelque chose d’inexplicable, et que je ne pouvais pas dégager, dans les façons de la chienne.

À ce moment, un pas redoublé, que jouait la fanfare de Grey-l’Abbaye, parvint à Fonval sur l’aile du vent. Mes doigts, spontanément, tapotèrent en mesure les branches de mon mirador, et je m’aperçus que Nelly avait accéléré son train et marchait en cadence, au pas, suivant le rythme de la musique.

Je me souvins qu’à propos de la chienne, Emma avait fait allusion à des tours de chien savant. Était-ce là un exercice de cirque, seriné par Mac-Bell à son Saint-Bernard ?… Il ne me parut pas qu’en l’absence du dresseur, un pareil « numéro » fût exécutable, et qu’une sensation auditive pût provoquer, chez un animal, de ces mouvements machinaux qui ont toujours