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le docteur lerne, sous-dieu

de poils qui s’y recroquevillait, la saisit, et retira un singe. L’animal, un chimpanzé, se débattait. L’aide l’entraîna et disparut avec lui par où il était venu.

Le mâtin hurla longuement.

Il se fit alors un remue-ménage dans la salle aux appareils, et je vis que les trois aides venaient d’y pénétrer. On étendit le singe, garrotté, sur une table étroite, on l’y arrima solidement, et Wilhelm lui fourra quelque chose sous le nez. Karl, avec une seringue à morphine, piqua le flanc du chimpanzé. Ensuite, le grand vieillard, Johann, s’approcha. Il assujettit ses lunettes d’or d’une main qui tenait une lame et se courba sur le patient. Je ne puis expliquer la rapidité de l’opération, mais, en un rien de temps, la face du chimpanzé ne présentait plus qu’un objet informe et rouge.

Je me détournai, pris d’un malaise écœurant : le vertige du sang.

Ainsi j’avais là, derrière moi, un laboratoire de vivisection, cette institution terrifiante où la philanthropie torture de braves animaux, sains et bien portants, pour risquer de guérir quelques grabataires de plus. La science s’arroge ici un droit fort contestable, qui, devant le drame du sang versé, paraît même impossible à soutenir. Car, si le bourreau d’un cochon d’Inde est assuré de supplicier toujours l’innocence et souvent la félicité, le sauveur d’un homme, lui, dix fois sur douze, ne fait que retarder la fin d’un polisson