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le docteur lerne, sous-dieu

Il ordonnait aussi l’usage de mes après-midi. Tantôt chargé d’un mandat pour la ville ou le village, et tantôt forcé de m’en aller, seul, effectuer telle excursion désignée, il me fallait sans barguigner garnir les réservoirs ou chausser les brodequins. Lerne assistait à mon départ, et, le soir, posté sur le pas de la porte, il exigeait la relation de ma journée. Selon le cas, je devais rendre compte du message ou décrire les sites. Or, des sites à décrire, mon oncle ignorait la plupart, c’est vrai, mais je ne pouvais pas deviner lesquels, et, dans ces conditions, tout rapport « de chic » eût été périlleux.

Aussi battais-je en conscience la forêt et la campagne, de l’aube du jour à celle de la nuit.

J’aurais tant voulu, cependant, m’approcher de la chambre d’Emma ! D’après le nombre des fenêtres closes ou non, j’en avais calculé la place dans la topographie du château, que je connaissais en détail. Toute l’aile gauche restait fermée constamment. Pour l’aile droite, la vie quotidienne utilisait son rez-de-chaussée et, des six chambres du haut, trois seulement demeuraient ouvertes : la mienne, dans le corps avançant, et, à l’autre bout, la chambre de ma tante Lidivine confinant au couloir du centre et communiquant avec celle de Lerne. Emma ne pouvait donc que succéder à ma tante dans son propre lit ou partager celui de mon oncle. Cette dernière hypothèse me mettait hors de moi, et j’attendais impatiemment pour la contrôler