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le docteur lerne, sous-dieu

Il s’est arrêté, hume la brise, repart. Mais je suis plus près. Il saute dans les broussailles, à gauche, vers la falaise… Moi aussi… Je le suis à dix mètres. Il charge à travers les ronciers sans prendre garde aux piquants. Je fonce dans son sillage… La verge des tiges le flagelle, les épines lui font mal, il pousse des plaintes en s’y accrochant. Alors, pourquoi ne pas les écarter ? il éviterait si aisément leurs griffes… La falaise n’est pas loin. Nous allons droit sur elle. Parole d’honneur ! mon gibier semble parfaitement savoir où il veut aller… Je vois son dos… pas toujours… il me faut alors le dépister au craquement des branches…

Enfin, sur la muraille rocheuse, sa tête étroite ressort, fixe.

Silencieusement, je me glisse… Encore une seconde et je me jetterai sur lui… — Mais son acte inattendu m’arrête au bord de la clairière qui l’encercle et dont la falaise borne un côté.

Il est à genoux et gratte furieusement le sol. La besogne torture ses ongles… au point qu’il se lamente, comme tout à l’heure parmi les aiguillons de l’aubépine et du mûrier. La terre vole derrière lui jusqu’à moi ; ses mains crispées s’acharnent, à brassées rapides et régulières ; il creuse en gémissant de douleur, puis, de temps à autre, plonge son nez dans le trou aussi profondément qu’il peut, renâcle en saccadant le chef, et reprend l’absurde tâche. La cicatrice m’apparaît en plein, couronne livide. — Hé ! je me moque bien de