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le docteur lerne, sous-dieu

chambre jaune en retour vers le parc. Or, cette avant-veille, profitant d’une minute d’indépendance, j’essayai une à une, à la serrure du salon, des clefs que j’avais dérobées à d’autres portes, par-ci par-là. Je manquais de confiance. Soudain le pêne céda. J’ouvris, et j’aperçus, libre dans le demi-jour des volets clos, toute l’enfilade des salles.

Je reconnus de seuil en seuil l’odeur particulière à chacune, chacune un peu plus moisie qu’autrefois, odeurs que le passé exhalerait si l’on pouvait y voyager… — De la poussière partout. Je suivais sur la pointe des pieds une trace où de nombreuses bottes avaient laissé leur boue, sèche. — Une souris traversa la carpette du salon. — Sur le billard, les sphères d’ivoire, rouge et blanches, délimitaient un triangle isocèle ; mentalement je calculai le coup, l’effet à prendre et la quantité de seconde bille. — Et le boudoir m’entoura ; sa pendule arrêtée certifiait midi, ou minuit. Je me sentais merveilleusement réceptif.

Pourtant, à peine avais-je eu le loisir de voir fermée la porte de la chambre jaune, qu’un bruit me fit revenir précipitamment au vestibule…

C’est qu’il ne fallait pas plaisanter ! Lerne travaillait dans les bâtiments gris, mais il me savait au château, et, en pareille occasion, il avait coutume d’y rentrer souvent par alerte pour me surveiller. Différer la perquisition me sembla prudent.