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le docteur lerne, sous-dieu

ment, le farceur admonesté se tut. Mais — de quelle façon interpréter cette incohérence ? — le chien, dont la frénésie aurait dû tomber, était maintenant hors de lui ; son échine s’horripilait en brosse de sanglier. Il se mit à suivre en grognant la muraille du château jusqu’à la porte du milieu.

Comme il venait de l’atteindre, Lerne l’ouvrit.

Heureusement pour moi, je me méfiais et n’avais pas soulevé mes rideaux. Son premier regard fut pour ma croisée.

À voix basse, avec une colère contenue, le professeur morigéna le chien ; mais il n’avançait pas, et je compris qu’il en avait peur. L’autre s’approchait, toujours grondant, les yeux dardés en lueurs sous son vaste front. Lerne parla plus haut :

— À la niche ! sale bête ! — Ici, plusieurs mots étrangers. — Va-t’en ! — reprit-il en français ; et comme l’animal continuait sa marche : — Veux-tu que je t’assomme, veux-tu ?

Mon oncle avait l’air de s’affoler. La lune aggravait sa pâleur. « Il va se faire déchirer, pensai-je, il n’a pas seulement de cravache !… »

— En arrière, Nelly ! en arrière !

Nelly ?… C’était donc la chienne de l’élève congédié ? le Saint-Bernard de l’Écossais ?…

En effet, voilà que les termes étrangers abondaient de plus belle, m’apprenant, pour ma complète déroute, que mon oncle parlait aussi l’anglais.