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CAUSES ET LOIS DE L’ÉVOLUTION LITTÉRAIRE

cabrioles, mais déjà, par une alliance monstrueuse, les auteurs greffent des fables païennes sur les histoires de l’Écriture sainte.

On peut suivre dans des temps plus rapprochés de nous cette marche parallèle du costume et de la littérature. Pendant les dernières années de Louis XIV, sous la domination dévote de Mme  de Maintenon, il existe encore des lois somptuaires destinées à réduire les dépenses de toilette. La dernière, je crois, qui ait été édictée en France, date de 1704. Et les modes du temps sont à peu près conformes à. cet édit royal. Les femmes de la cour portent alors des habits de couleur brune, uniforme ; les cheveux se dissimulent sous une ample coiffe noire ; l’ensemble a quelque chose de triste et de monacal. Survient la Régence et c’est comme une délivrance. La France respire et s’égaie, et, comme il arrive après une longue oppression, c’est d’abord un débordement de joie et de vie animale, une fureur de plaisir. La littérature et le costume de la Régence seront donc également débraillés. Cette première éruption se calme bientôt ; mais la gaîté subsiste et l’impudeur ; la littérature sera pendant tout le siècle décolletée comme les femmes le sont alors, même en plein jour. Elle sera coquette, sémillante, et les femmes à la même époque apparaissent vêtues de couleurs vives, d’étoffes légères et brillantes, toutes pimpantes dans les dentelles, les broderies, les guipures, le frou-frou de la soie ; elles ont de petits souliers à hauts talons ; elles se piquent au visage et sur la gorge des mouches qui font valoir la blancheur de leur teint. Les hommes, eux aussi, se sont faits papillons ; ils ont raccourci la perruque, ils marchent dans un nuage de poudre de riz, ils se parfument à l’ambre ou au musc ; ils pirouettent avec désinvolture sur leurs talons rouges ; ils donnent le ton à toute l’Europe aristocratique. Et (voyez toujours la coïncidence) modes et pièces de théâtre, romans et livres de philosophie légère, maîtres à danser et perruquiers sont en ce temps-là pour la France de grands articles d’exportation.

Plus près de nous encore, la perruque, la poudre, l’habitude de se raser disparaissent avec le style noble et les œuvres littéraires presque exclusivement consacrées à la vie mondaine.