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dente, se consulter et recommencer l’escalade.

— Attends, attends… disait Françoise, je vais t’apprendre, moi !

Qu’est-ce qu’elle allait lui apprendre ?

Son pied heurta quelque chose de dur, le manche d’une fourche enfouie dans le foin, jusqu’aux dents.

Françoise tomba sur le dos ; ses bras battirent l’air.

Elle sentit toute sa colère se dissoudre comme un fondant, et, fixée par la poule sérieuse, partit d’un rire prolongé.

C’était doux comme un lit de plumes, plus doux. Le foin la chatouilla de toutes ses pointes, jouant avec elle, la cernant, guetteur, prompt à surprendre un bout d’oreille. Elle se refournait d’une joue sur l’autre, se sentait une pelote dans chaque main, et, quand elle remuait les mollets, ses bas s’emplissaient d’aiguilles à tricoter. Elle fermait les yeux, les rouvrait, apercevait la poule toujours grave, absorbée, et criait encore, convulsive à force de rire :

— Poule, poule ! Oh ! la mâtine !

Vraiment elle prenait une douche de foin. Des poutres descendait une cascade d’herbes sèches. Des vagues lui tombaient sur les bras, sur le front, comme si le « foineau » fût changé subitement en une sorte d’étang onduleux. Elle ne voyait plus que de temps en temps, et par des éclaircies, la poule immobile. Les flots de foin coulaient régulièrement. Tout à coup, le rire de Françoise fut cassé net.

Le fils de Mme Lérin était agenouillé près d’elle.

— Comment, c’est vous, monsieur Émile, c’était vous !