choquaient leurs genoux, se cachaient derrière leurs serviettes, et l’un de ces messieurs étreignit si fort la cuisse de son voisin, que celui-ci bondit de douleur.
Oui, on souffrait, et Mme Bornet se montra femme de tact quand elle dit sèchement :
— Mon pauvre ami, tu n’y es pas !
M. Bornet s’arrêta. Telle une toupie qui reçoit un coup de pied.
— C’est votre faute, dit-il, penaud ; je vous avais prévenus. Il fallait m’écouter.
— Apaise-toi, lui dit sa femme en l’épongeant. Va renouer ta cravate et te rafraîchir les tempes.
Humilié, il passa dans le cabinet de toilette.
— Pardon pour lui ! dit-elle.
Mais les convives soulagés, parce qu’ils en étaient quittes pour la peur de la peur, s’efforcèrent de la consoler.
— Chère Madame, lui dirent-ils, vous vous faites trop de mauvais sang. M. Bornet réussira mieux une autre fois. C’est tellement difficile. Et puis cela n’a pas mal marché du tout. D’autres que nous peut-être se seraient laissé impressionner.
Ils se levaient, l’entouraient, touchés de sa peine. Ces dames, certaines d’avoir échappé à un grand danger, respiraient plus librement. Elles se félicitaient, les mains unies, parlaient ensemble, gaies, rieuses et vivaces, comme au plein soleil de midi.
Tout à coup l’orang parut.
Il s’avança très lentement, et l’éclatante lumière de la salle à manger s’obscurcit. Il avait le dos courbe, la tête rentrée dans les épaules, la mâchoire