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LA SERRURE ENCHANTÉE


Le mur que je longeais ne finissait pas, et je désespérais d’en faire le tour. Il ne me laissait voir que des arbres impénétrables qui tendaient sur la route, çà et là, leurs branches. Derrière eux, j’imaginais, tantôt avec envie, tantôt avec indifférence, un château habité par des gens heureux ou ennuyés. Je me disais :

— Si tout de même ce château était à moi !

Et j’ajoutais :

— Je n’en voudrais pas pour rien.

Enfin les arbres s’éclaircirent, et je me trouvai devant une porte de fer, pleine et rouillée. Je ne manquai point de mettre un œil à la serrure. Elle était nette de poussière et de toiles d’araignée, et ne devait s’ouvrir qu’au moyen d’une clef semblable, quant au poids, à quelque arme défensive. Je voyais clair et loin, comme par une petite lucarne. Elle donnait sur une large allée, et j’aperçus une dame de belle sculpture qui s’avançait à pas lents, suivie d’un vieil homme qui multipliait d’humbles gestes.

Autour d’eux les arbres gardaient l’immobilité des décors de théâtre. Je n’entendais de la voix cassée du vieil homme que les menus éclats.