Page:Renard - La Lanterne sourde, Coquecigrues,1906.djvu/337

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


LE DÉCOR NÉCESSAIRE


S’il est gai, Éloi évite, comme des offenses, les visages tristes. Il recherche les braves gens, les bonnes bêtes, les fleurs, le plein soleil de midi.

Mais triste, il exige le décor qui correspond à sa tristesse.

Or Éloi s’est levé ce matin du mauvais côté. Son visage se tache d’une ombre légère, tel un plafond quand la lampe file. Il ne peut rester à la maison ; il sort en négligé, nu-tête, les cheveux mêlés.

L’hiver fort heureusement commence. Le vent s’entraîne pour les tempêtes futures. Les arbres muent à propos, perdent leurs pellicules rouillées.

Tout va bien.

La mélancolie d’Éloi augmente.

Il s’écarte de la route, où le croiseraient des hommes heureux, entre dans un champ couleur de chair morte, et, seul, remercie la nature complaisante qui se désole avec lui. Elle le comble encore, et voici qu’une pluie opportune, pénétrante, glaçante, se met à tomber.

Éloi est presque absolument triste. En vérité, peu s’en faut.