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LE GRINCHEUX


Le lecteur. — Sincèrement, je goûte beaucoup votre dernier conte. Quel dommage qu’on en trouve déjà l’idée dans Voltaire !

Éloi. — Puisque Voltaire eut cette idée, pourquoi ne l’aurais-je pas à mon tour ? Une idée peut venir au monde aussi bien deux fois qu’une.

Le lecteur. — Vous dites vrai. Qu’importe le sujet à qui soigne son style, et, précisément, le vôtre m’a paru… Je me trompe sans doute ; mais quand on écrit, ça fatigue. Il faut se reposer.

Éloi. — Asseyez-vous, vous-même, gentil lecteur. Qui vous demande votre avis ? Prenez donc l’habitude d’attendre qu’on vous interroge. Sinon, comme les choses agréables seules me sont agréables, n’ouvrez la bouche que pour me complimenter, ou taisez-vous.

Le lecteur. — Ami, vous raisonnez juste et parlez net. J’aime votre franchise et vous savez que votre couvert est toujours mis chez moi.

Éloi. — Voilà une banalité que je n’entends pas. On fixe une date.

Le lecteur. — Je vous prie donc à dîner pour demain soir : nous mangerons en famille, sans cérémonie, la soupe et le bœuf.