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LA VIE DES QUATRE BÂTONS DE CHAISE

I

Je porte seul et sans fatigue la jeune fille légère qui m’effleure comme les narines touchent une rose, l’élégant mince qui parle du bout des lèvres et dont le geste vole, et les gens pressés qui ne s’asseyent que d’une fesse. Je me tiens propre, car chaque matin la bonne n’essuie, et chaque semaine le frotteur ne fait reluire que moi.

II

Les odeurs des grandes personnes et le pipi des enfants s’écoulent par ma pente. L’ongle noir m’apporte en cachette et dépose au coin de mes arêtes ce qu’il gratte dans les cheveux, le nez, les gencives et l’oreille. Je décrotte les talons, j’écrase la mie de pain et l’épluchure, et quand on ne sait pas d’où vient le bruit, c’est moi qui craque.

III

Moi, j’arc-boute les grosses dames et les femmes grosses, les hommes ventrus comme des pelotes et