Page:Renard - La Lanterne sourde, Coquecigrues,1906.djvu/278

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


LA MACHINE À COUDRE


La mansarde de Mimi n’est pas moins pauvre qu’autrefois. Sous la lucarne ouverte, une fleur sèche dans une tasse, et, sur le parquet nu, se déplace lentement l’ombre d’un tuyau de cheminée.

Mais Mimi nous tourne le dos. Sage maintenant, le cœur calmé, fille d’ordre que l’avenir inquiète, elle fait, de l’aube au crépuscule, marcher sa machine à coudre. Et sans doute cette vie réglée lui vaut mieux. Déjà elle ne tousse presque plus. Comme elle travaille !

Par crainte de la déranger, on s’approche discrètement, et tout de suite on voit que Mimi nous trompe encore.

Elle ne travaille point.

Le front penché, les bras roidis, elle étreint avec ses mains la tablette de sa machine. Elle se soucie peu des bobines sans fil et de l’aiguille cassée. Elle ne surveille que le mouvement de ses jambes. Elle rompt sa délicate cheville à la fatigue. Grisée de vitesse, étourdie par le volant qui ronfle, elle se trémousse et s’échauffe.

Dans tous ses états, Mimi s’exerce pour n’être pas trop gauche dimanche prochain, quand son ami lui donnera sa première leçon de bicyclette.