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L’HOMME AUX CERISES


Tiennot se promenant par le marché voit des paniers pleins de cerises si gonflées et si rouges qu’elles ont l’air faux. Il dit au marchand :

— Laissez-moi manger autant de cerises que je voudrai, moyennant dix sous.

Le marchand accepte, sûr d’y gagner, car les cerises ne sont pas rares cette année, et au prix qu’elles se vendent, pour dix sous il en donnerait une brouettée.

Tiennot se couche au milieu des paniers, sur le flanc droit.

Sans se presser, il choisit les belles cerises et les mange une à une.

Lentement, il vide le premier panier, puis le second.

Le marchand sourit. De temps en temps, les gens du marché viennent voir. Le pharmacien montre la tête ; le cafetier aussi. On encourage Tiennot.

Il se garde de répondre. Immobile, il ouvre et referme la bouche avec méthode. Souvent, au passage d’une cerise plus juteuse que les autres, il semble dormir.

Le marchand, déjà inquiet, pense :