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Daphnis. — Certainement.

Lycénion. — J’irai.

Daphnis. — Vous n’avez pas peur de trop souffrir ?

Lycénion. — Rien ne gronde dans mon cœur. Quand je me suis donnée à vous, ne savais-je pas qu’il me faudrait un jour me reprendre ? Mais le décrochage a été pénible. Nous n’en finissions plus. Nos deux âmes tenaient bien.

Daphnis. — C’est vrai. L’affaire a un peu traîné en longueur.

Lycénion. — Si je ne me sentais pas tout à fait détachée de vous, je couperais à l’instant, sans pitié, les dernières ficelles.

Daphnis. — Et plus tard, après le mariage, viendrez-vous nous voir ? Je vous présenterais comme une amie, une parente même.

Lycénion. — Ou une institutrice pour les enfants à naître. Plus tard, je les garderais ; vous pourriez voyager.

Daphnis. — Je me dispense de plaisanter. Chez moi, vous serez chez vous. Votre couvert sera toujours mis.

Lycénion. — Et ma place dans votre lit toujours bassinée.

Daphnis. — Pauvre amie, tu souffres !

Lycénion. — Pas du tout. Mais vous m’agacez avec votre système de compensations.

V

Daphnis. — Ne parlons donc point du présent, parlons du passé — qui a passé si vite.