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duire (on l’affirme ; c’est son bonheur et sa gloire !) trois cent soixante-cinq femmes par an, jamais les mêmes. Je ne le trouve que grotesque. Passons. Un acteur ; il déclame la Nuit d’Octobre comme Musset devait la déclamer dans ses beaux jours, quand il était saoul. — Un compositeur de musique ; il a inventé une nouvelle méthode pour chanter : « Je voudrais être votre pantoufle ! » — Un danseur de son métier ; il prétend, à chaque pas, que notre parquet est garni de clous, empoigne une bouteille, et, du cul de ladite, leur fait sauter la tête. — Un grand poète célibataire, il murmure aux dames ; « J’ai soif ; et, si vous n’avez pas soif, j’ai soif pour vous. Venez donc boire. » Ce grand poète pousse trop à la consommation. Nous le supprimerons. — Un petit poète marié. « Du courage, lui dit sa femme mûre, récite bien tes vers et je te donnerai un franc, demain, pour tes folies. » — Un peintre, enfin, si sale qu’il devrait s’envelopper dans du papier. Mais nous le garderons provisoirement, car j’espère lui faire colorier, à l’œil, le bas du placard de notre cuisine… Inutile de remarquer que, ceux-là, c’est toi, incontestablement toi, qui les as raccrochés.

Madame. — Permets ! Toute le monde est parti. Tu peux te montrer convenable.

Monsieur. — Vrai, tu as cela dans le sang : tu ne rencontrerais pas un monsieur un peu décoré sans lui dire : « Psit ! psit ! venez donc chez moi, mardi soir, on s’amusera ! »

Madame. — Tu m’impatientes, à la fin.

La bonne, entrant. — Madame, il reste encore un vieux chapeau au vestiaire.