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LE MUR


À Georges Courteline.

I

Elles étaient méchantes ou bonnes de toutes leurs forces, et se fâchaient une fois par saison, régulièrement, huit jours. Longtemps elles voisinaient jusqu’à paraître habiter l’une chez l’autre, et, soudain, elles ne se connaissaient plus. Aussitôt la Morvande comptait avec prestesse les défauts de la Gagnarde. Celle-ci, peut-être, avait le travail de langue moins facile, mais elle réussissait plus souvent à ne pas revenir la première. Enfin elles se souriaient. Invitée, la Gagnarde entrait chez la Morvande et, de nouveau, admirait tout, la propreté des carreaux, celle du poêle, celle de l’arche et des cuivres, et celle du seau d’eau si brillant qu’il donnait soif.

— Comment faites-vous donc pour être propre ? Chez moi, c’est toujours sale.

Elle mentait, pour voir.

— Chez vous, répondait la Morvande, on dirait que vous léchez les meubles.

Ainsi, tout en gardant leur dignité, elles échangeaient des flatteries.