Page:Renard - L’Homme truqué, suivi du Château hanté… - Crès, 1921.djvu/88

Cette page n’a pas encore été corrigée
84
L’HOMME TRUQUÉ

» La première fois, mon réveil nauséeux s’était accompagné de phénomènes que vous connaissez sans doute : éblouissements, fulgurances et autres facéties déterminées par la réaction des deux nerfs optiques, puisque c’est là leur façon de souffrir et puisqu’on venait de pratiquer leur séparation d’avec mes yeux hors d’usage. Aussi, cette deuxième fois, quand les vapeurs d’éther commencèrent à se dissiper, et que des luminosités m’apparurent sous forme de traits et de brumes, je pensai bonnement qu’une cause similaire engendrait des effets analogues,

» Mais, peu à peu, à mesure que je sortais du néant provoqué, ma propre matière se reformait pour mes sens. Je me sentais étendu, les yeux fermés sous un épais bandage… Et pourtant…

« Non, non, me dis-je, je ne suis pas éveillé ! Il faut, au contraire, que je sois plongé au tréfonds du sommeil opératoire ! Je suis le jouet d’une fantasmagorie, et cela…, cela ne peut être que le résultat détourné d’une douleur, — d’une douleur que l’anesthésie m’empêche de sentir, —