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L’HOMME TRUQUÉ

m’irrite. Le taureau fonce sur le rouge ; c’est sur le noir, moi, que je charge. Me poser un problème, c’est poser une écuelle de soupe devant un affamé. Quand je sens la vérité m’échapper, je ne vis plus.

« Pas d’histoires », « être tranquille », c’était fort bien. Jean Lebris avait droit au repos ; d’accord ! Mais cette séquestration, ces pratiques expérimentales, est-ce que cela ne méritait pas une enquête ? Et cette enquête, les autorités françaises la feraient-elles ? Il fallait éclaircir les conditions dans lesquelles Jean Lebris avait disparu de l’ambulance saxonne, établir les responsabilités, exiger des sanctions, découvrir quelles gens l’avaient soigné à leur façon, et vérifier si, mieux traité, le petit soldat n’aurait pas conservé l’usage de ses yeux… Enfin, je l’avoue, ma curiosité médicale était violemment excitée, et j’aurais donné beaucoup pour connaître le but mystérieux que les ravisseurs de Jean s’étaient proposé… Je savais à quoi m’en tenir sur l’indifférence administrative, les bureaux, les paperasses. On n’avait qu’à laisser faire ; bientôt il ne serait plus question de rien, les coupables