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L’HOMME TRUQUÉ

frayeur ; car, sur le moment, je n’ai cru ressentir qu’une surprise sans inquiétude, une sorte d’embarras où luttaient le sentiment de l’impossible, le soupçon d’une mauvaise farce et, très faible, un doute sur la fidélité de mes sens. Il faut pourtant que la peur m’ait frappé à mon insu, puisque, toutes les fois qu’elle tinte, la sonnette me secoue imperceptiblement, comme un enfant hausse le coude et cligne des yeux quand s’agite une main qui l’a battu jadis. Au surplus, pourquoi me servirais-je de ce mot « apparition », qui est faux, s’il n’y avait en moi quelqu’un d’absurde qui est resté sous le coup de l’étonnement, et s’obstine dans sa déraison ?

Je suppose que mes nerfs se seraient tenus plus tranquilles, si la journée et la soirée n’avaient pris soin de les travailler sur le mode funèbre et de me mettre dans une disposition d’esprit exceptionnellement favorable à certaines faiblesses.

Ce jour-là, la ville de Belvoux avait célébré la mémoire de ses enfants morts au champ d’honneur ; et Mme Lebris, vieille amie de feu ma mère, bonne dame à demi