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LA RUMEUR

Dans ce cas, la concavité rocheuse projetait jusqu’à lui des sons qui venaient d’en face… Mais en face, c’était le rideau de la forêt, où il savait pertinemment qu’il n’y avait rien, — rien du moins qui fût capable d’émettre une telle rumeur… Car il ne s’agissait plus d’essaim, ni de ruisseau, ni de fils télégraphiques, ni de champ de trèfle, ni d’aucune espèce de concert donné par le vent, fût-ce dans les sapins où sait déjà chanter l’âme des violons…

D’après le peintre, voilà ce qui se produisait : l’autre versant (celui de la forêt) ne faisait que renvoyer à la muraille cette harmonie extraordinaire, après l’avoir reçue d’une source inconnue… Cela venait de loin… Cela ne pouvait venir que de très loin, par une série de ricochets, de réflexions, d’échos enfin. Par le chemin des airs ? Par la voie du sol ? De très loin, sûrement.

C’étaient des voix, des chuchotements, des souffles, des bruits de pieds légers, des frôlements de mousselines… ou d’ailes, un murmure vivant, la rumeur d’une foule heureuse et mouvante.