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DANS LA MONTAGNE
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faces. Ses genoux ne jouaient qu’avec roideur ; il sentait le poids et le volume de ses reins, — du gauche surtout, — et il savait bien que son visage matinal avait, comme il disait, « besoin d’un coup de fer ».

« Voilà, songeait-il, arriver à quelque chose : bernique ! L’amour : bernique !… C’est la faute à cette guerre, aussi. On dit qu’elle a duré cinq ans ? Ouais ! C’est comme la nuit de Rip. Une nuit d’un siècle. Nous autres, on est partis jeunes encore ; mais chaque jour comptait quadruple ; on est revenus vieux. — Vieux ! »

Une révolte l’arrêta, les yeux fixes. C’était le matin, poudré d’or clair, et c’était le printemps. Primavera, gioventù… Le soleil se levait à grands cris. Tout là-bas, des monts roses, estompés de brume aurorale, se veloutaient comme les joues d’une vierge.

« Je suis en discordance avec tout cela, maintenant. Est-ce possible ?… À quoi ai-je goûté ?… Mais enfin, la vie, c’est ça ? Deux moitiés : l’une de projets, l’autre de regrets ? Passer, presque sans transition,